mercredi 23 mai 2018

LA MORT DANS UN PARKING

[Dans un recueil de colères j'ai écrit ce texte qui essaye de tout rapporter.]





« Je me suis assis... J'ai fermé les yeux - comme ça - et je pense : Ceux qui vivront cent, deux cents ans après nous — et pour qui nous déblayons maintenant le chemin — se souviendront-ils seulement de nous ? » Anton Tchekhov (1860-1904)




Le vieil homme est allongé mort dans la grisaille, au creux d'une sorte d'abandon d'un lieu-dit froid comme le sont tous les parkings. Hostiles. Leur tristesse, leur désolation, la menace rampante. Voici le coeur qui lâche, je le sais, en connais parfaitement le mécanisme... et c'est facile. Une horlogerie de la douleur. Un truc qui se reproduit tous les vingt ans et qui m'assomme. Moi qui reste aussi courageuse qu'idiote.
Ça va être encore de ma faute... voilà la mécanique principale qui voit le jour et qui s'essaye à ne pas pleurer. Vouloir être importante même là ? Narcisse observant les dégâts, pour une fois qu'il regarderait autre chose que lui-même. Parce que j'imagine qu'on a toujours notre part dans la mort de tous ces proches qui s'en vont. Et sans vouloir essayer de penser qu'il suffit de se flageller pour y échapper. On y est.
Je n'étais pas là à ce moment-là.
Tout réside dans ce souhait de parvenir à la dompter la mort où comme au cirque et elle serait un tigre-serpent qui à la fin saluerait et disparaîtrait. Un être hybride qui sera justement le clou du spectacle. Quand la mort n'existera pas autrement que grimée. C'est pas le temps ! Elle regarde toujours en biais et ricane puisqu'elle tient aussi de la hyène et se tait comme les vautours observant ceux qui se battent encore, et de qui ils vont se nourrir, eux, bientôt. Après. Regard amusé de ces oiseaux toujours plus ou moins décharnés.
Je le voulais immortel mon ami, Yves Lecerf, le mort de l'histoire. Et je ne tenais pas tant que cela à croiser encore cette mort contre laquelle on est toujours perdant. Au casino de celle-ci, c'est l'absence qui emporte toujours la mise, comme dans tous les lieux de jeu d'ailleurs. La chance ça n'existe pas en la matière. Elle lui a fait ça.
Yves Lecerf, le chef du département d'Informatique de Paris-8, l'ancien Normalien et Polytechnicien, l'un des fondateurs de l'Association de Défense des Familles et de l'Individu (ADEFI) qui lutte et récupère les membres de sectes et qui souhaiteraient en échapper, l'un des précurseurs de la traduction automatique des langues qu'il lâche, celui qui fera aussi les premiers calculs concernant les centrales nucléaires qu'il considérait comme ses « bébés », le membre de cabinet ministériel à l'époque de Georges Pompidou il me semble, l'auteur, l'ami de Robert Jaulin et de Michel de Certeau, le professeur qui gît-là dans un des sinistres parkings de l'université de Saint-Denis, au bord d'une nationale et dans un désert aussi silencieux.
Avec pourtant ce bruit de fond permanent, celui de l'énorme ville, une capitale qui gronde toujours et contre toute éternité.
Dans ce truc comme en friche qu'est encore à cette époque la fameuse université Saint-Denis - Vincennes, Paris-8. Et malgré les grand travaux qui s'y opèrent depuis longtemps, défaisant peu à peu le provisoire durable du préfabriqué, l'université s'installe dans le 93 en département jugé malcommode. François Mitterrand lui-même vient inaugurer la plus grande bibliothèque universitaire de France. Je ne l'ai vu que dans la fan zone... trop de monde.
Paris-8 est son fief à l'homme mort dans le parking. Il me l'a appris, mais pas parlé de cet enlèvement d'une mort prévue.
La sournoise maladie des coeurs qui si elle ne se voit pas, s'acharne.
Là gît la coque vide d'une âme désespérée, d'un jeune homme de 64 ans qui avait prédit sa propre mort, son suicide cosmique.
"Avant l'accomplissement", le dernier hexagramme du Yi-King, le sien, sa mort annoncée. Il ne manquait plus que ça !
Et tu te serais décidé à te laisser mourir en appelant ces forces du coeur justement et qu'elles s'arrêtent ? Tu me l'avais bien caché puisque tout le monde semblait être au courant, sinon moi, comme le disent les femmes trompées.
J'ai du pourtant le deviner, je devais le savoir et c'est toi que je disputais à l'époque au bout du téléphone. Quand je m'agite en manie, qu'elle gronde bien malgré moi, c'est que j'ai compris que quelque chose de grave adviendra, la chute du mur ou celle de Yves dans ce parking. Et devenue libellule empêchée et effrayée, frappée de noir, je sombre dans un oubli de folie, ma bonne excuse.
C'est ainsi comme si dans l'au-delà tu y étais déjà, comme s'il fallait que je me débarrasse de toi, avant l'heure. Je n'ai jamais ignoré les silences. Sauf qu'ils finiront toujours par me terroriser.
Toutes ces morts puisque c'est encore de ma faute dont-il s'agit. Fâchée avec mon père le temps d'une soirée, mais la veille de sa mort, pour inventer autre chose que l'ignorance et des mots que personne ne dira. Mais la culpabilité ne m'a pas été enseignée et cela aide.
La manie, encore elle on dirait, m'avait décidée avant de quitter ce Département d'Informatique où je ne voulais plus travailler, une possible carrière que je fuis chaque fois, à écrire à la fin des petits-mots à chacun des professeurs. Des trucs idiots, des billets, mes oracles un peu bêtes pour un départ définitif. Et ces mots imbéciles envoyés rendaient mon départ bien plus définitif qu'il n'était possible, la folie ou mieux le ridicule imposent leurs barrières. Me rendre idiote en croyant ainsi ne rien sentir. Comme si ça se voulait sans retour. Peut-être était-ce cela que disait mon ami, Yves devant qui ils se gaussaient à plaisir, quand il parlait de ma manie de « scier la banche sur laquelle j'étais assise ».
Ça n'est pas la peur qui me fait fuir ainsi, mais plus souvent emmêlée à elle la déception, qui s'insinue en tout ce que je vis. L'idéaliste la connaît bien.
Il s'inquiétait pour moi, aurait aimé me savoir en sécurité. Las... Sachant qu'il allait mourir ? Je n'ai pu lui prouver comme la vie le dira, que j'étais plus débrouillarde que mes peurs.
Bien sûr qu'évidement je ne suis pas à l'origine de tous les arrêts cardiaques que je croise. Ça va mal. Au moins je le sais.
Et j'apprends l'histoire seulement après sa mort, cette histoire idiote de l'hexagramme. Qu'est-ce que disent ces femmes imbéciles qui m'ont confié leur secret après, comme extasiées ? Waouh ! ça marchait les âneries de grand-gourou ! Une idiotie qu'il ne s'est pas dépêché de me conter, pourtant il m'en avait bien imaginé d'autres d'histoires biscornues. Pas celle-là.
Qu'est-ce qui l'avait décidé à y croire ainsi ? Et s'il n'a pas osé m'en parler, comme si j'allais casser sa prévision, sa baraque de foire, illusionniste devant de fausses naïves. Comme si j'allais gueuler encore plus fort contre des idées aussi saugrenues, contre ce si terrible vertige de mort, ce présage institué.
Pas là. Il aurait osé s'écrouler ainsi devant moi ?


Je l'avais cherché cet homme et reconnu et trouvé. A la fin je n'allais plus au cours du jeudi, son rendez-vous amoureux avec les étudiants qu'il invitait ensuite à boire dans les cafés du coin, plus tard au restaurant chinois jusque loin dans la nuit. Inquiet de ne bientôt plus pouvoir payer sa tournée. Et là encore, et s'il n'y mettait pas le prix, personne ne viendrait vers lui. Ça il le croyait aussi dur comme fer, autant qu'à son ésotérisme de bazar. Je pensais avoir été assez explicite et je m'étais trompée. Il avait lui aussi besoin de beaucoup trop de mots.
J'avais tant d'amour pour lui, jusqu'à me décider adoptée, croire que j'avais du temps, croire qu'elle ne gagnera pas cette fois encore. Pas si tôt. Pas si seul.
Il me donne rendez-vous deux fois rapprochées peu de temps avant sa mort, dans un café à côté de la gare du Nord, près du Boulevard Magenta où j'habite alors dans une chambre de bonne à l’oeil. Dernières visites et s'il n'y avait pas pensé...
Pas me dire au revoir ? Impensable à y regarder de près. Partie nulle.
Qu'est-ce que je serai devenue sinon ? Et pourtant c'est aussi cruel puisqu'il semblait savoir déjà. Il m'a tu tant de choses et je l'ai laissé faire. Il ne s'agissait pas de mensonges, alors j'avais le temps. A ce point-là j'aurais du me méfier. Mais rien de tout ça n'était d'un ordre que j'aurais pu comprendre et accepter. Non c'était pas du jeu.
Ces deux visites, c'était décider de me faire échapper à la culpabilité oui. Elle fausse tant les jugements. C'était un ingénieur issu de l'école Polytechnique. Changer un joint ne lui était pas aussi difficile. L'ingénieux menteur, et aurait-il pu ignorer qu'à chacun des rendez-vous qu'il me donnerait, je serai toujours là ? Deux fois. Présente. A la troisième non. On rigole avec des preuves dont nous ne cessons d'avoir besoin, l'un comme l'autre. De la peine il ne se doutait pas, c'est sûr. Comment le remercier ? Il ne se trouvait pas indispensable non plus.
« La Toune (c'est moi) a déjà essayé de se suicider ? » Je le regarde mi-figue mi-amusée. Il me préfère plutôt folle que morte. De quoi a-t-il peur ?
De si doux moments, sans que je sache qu'il me faisait ses adieux. Et quelque chose me laissait perplexe pourtant. Dans la brasserie où nous étions, ces moments furent si savoureux, que je me disais simplement « ...qu'est-ce qu'on s'aime... » et en être joyeuse. Les meilleurs qui partent en premier. D'accord... Bis repetita.
Il me dépose aux Champs-Élysées. « Reste Toune, allez viens avec moi... »
Je rigole forcément encore en sortant de la voiture et ça s'appelle l'éternité à ce moment-là, précisément. J'ai toujours fui la mort, alors c'est comme si j'en étais tout autant coupable, plus, malgré tout. Et de toute façon quand les gens sont morts, on arrive forcément en retard. La disparition a toujours une longueur d'avance sur tout le monde. Personne n'en est le premier averti, sinon le mort. Est-ce que j'aurais pu le sauver dans le parking où il s'est écroulé ? Le géant blessé au coeur de minot. L'homme le plus fervent que j'aie rencontré. Le plus original, le meilleur.
Quand je le trouvais, je passais des jours avec lui, camouflée en secrétaire jusqu'à ce que nous prenions une autre direction.
Un homme aussi étrange au début, avec des regards qui me faisaient peur, un doute furieux qui brillait ou l'éteignait. Quelque chose de monstrueux et dont la douleur n'était pas tarie. Mais se transforma à notre contact. Il redevenait bon et humain, sa base d'envol, perplexe et l'ayant refusé, c'est une telle torture d'aimer.
Au début, il m'emportait à tous ses rendez-vous façon mascotte. Souvent il s'endormait dans la voiture. « J'ai besoin de me reposer un moment... » Une vieille Peugeot décapotable au toit ouvrant à moitié déchiré qui protégeait à peine de la pluie. Il en avait d'ailleurs trois identiques et en aussi piteux état. Il aimait la nuit ou elle le terrorisait, il y travaillait au moins dans son coeur. Son sommeil était tremblant, tressaillant comme s'il ne pouvait jamais réellement se reposer. Comme s'il criait même au-dedans ou surtout.
J'attendais silencieuse et étonnée dans une rue de Paris où il s'était arrêté pour s'assoupir quelques instants. Récupérer ce que la peur lui a ôté, dans les bruitages de la ville. J'avais une peur aussi perceptible que toutes mes interrogations. Je connaissais à peine cet homme dont je surveillais le sommeil. Envie de partir, de trouille aussi. Il est dingue ? Il inquiétait au moins.
Tu m'as ramené ce soir-là tout près de chez moi, d'un tour en voiture, comme j'aime, comme ça me fait des souvenirs et m'en rend de très anciens. Un père me conduit.
"Tu vis avec quelqu'un ?
- Oui.
- Et tu l'aimes ?
- Oui."
Questionnée sans cesse par la disparition de mon père, je rencontrais cet homme qui avait justement l'âge idéal de l'être (ses années 30 quand mon père était de 1920, « gosse de vieux » on disait alors). La preuve en était puisqu'il avait deux filles exactement du même âge que ma soeur et moi. Pareil, mathématique déjà. J'étais la benjamine encore. Et il n'avait pas revu ses filles depuis 1975, l'année de la mort de mon père, lui depuis un procès retentissant. Agé de 55 ans par ailleurs presque quand je l'ai rencontré, âge critique de la mort de mon père. L'heure dite.
Croyez-moi j'ai depuis si longtemps inventé ce calcul mental permanent et qui heureusement aussi m'amuse et finit en si compliqué. Insensé.
Je le sauverai celui-là, comme on s'accroche à toutes les coïncidences qui font que l'on aime quelqu'un. Il tiendra presque dix ans.
Nous vivions une sorte de rencontre forcée, qui s'élargira jusqu'à la belle amitié d'une fine équipe. Cette filiation inventée, vécue et par qui et dure encore, en moi. Exactement ex-æquo avec mon paternel. Ça n'est pas rien de le dire, rien de plus que ce qui fût et restera. L'homme qui m'a portée. A chercher aussi du côté de l'ergot de seigle pour supporter ma folie. Et qu'il m'aime pendant dix ans, c'est bien ainsi, c'est gagné sur le temps justement, sur la mort bien sûr. Sur la souffrance. Plus malade pendant vingt ans à partir du top de départ de sa fin.
« Malheur souhaite rencontrer un autre malheur et aussi grave, pareil. »
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En rire. C'est la condition. Malheureux d'absences, c'était comme allumer un feu de camp et parler jusque tard dans la nuit en mangeant des marshmallows.
Je l'observais silencieusement cet homme fragile, avec peur et affection. La peur disparaîtra, essayera de s'inventer un autre mouvement, à force. L'affection grandira autant, plus à chaque fois. Nous ne nous quitterons plus jamais. Même si je me suis absentée, comme on croit que le port restera éternellement à sa place, à attendre, à m'attendre. Se retrouver.
Ainsi combien de fois lui ai-je demandé, incertaine et perdue, toujours et malgré lui, si il m'avait remarquée quand moi je le voyais pour la première fois. Et un professeur a une dimension visible qui peut le rendre attractif au mieux.
A l'Université d'Orsay, menant le débat ce jour-là, avec maestria, assurance. Et soudain, revenu à la vie civile, devant le buffet dressé pour l'occasion, alors timide, comme effrayé quand je m'adresse à lui. Les deux faces d'un homme d'exception. Le malheur recouvrait tout et je m'en aperçus dès la première fois qu'il m'invita chez lui.
« Est-ce que tu m'as vue ? » telle sera ma constante question. Ou est-ce que j'avais encore construit à moi-seule une histoire qui finalement n'existait peut-être pas au-delà de moi justement ? Il répondait toujours oui à cette question, facétieux, comme on veut que l'autre soit tranquille, mais pas tout à fait.
« C'est la rencontre de deux archétypes... » murmure-t-il quand je suis ce jour-là contre lui. Lesquels ? Je ne sais pas ce qu'il a voulu dire et ne lui en reparlerai pas. C'est déjà joli, comme on ouvre pas certains cadeaux ou trop tard. Il me connaît déjà mieux qu'il ne le dira. Des interrogations laissées en suspens j'en ai encore des millions. Il est Calviniste d'origine et j'ai quelques questions à ce sujet, cette histoire de la « grâce ». Sans vraiment savoir je trouvais déjà ça a priori injuste du peu de ce que j'en comprenais. Et c'était comme si je ne pouvais pas lui demander, me le permettre, pas me tromper de question, surtout si je ne trouvais pas le bon angle et à temps. Je me tais.
Rester dans la question et le partage d'un père-(adoptif). Il y a un temps où on cherche moins à comprendre quelqu'un que d'être avec. A l'évidence nous étions noués. Noués comme des mouchoirs et pour se souvenir.
On n'allait pas ressasser le malheur, comme si nous n'étions faits que de ça. Rien que deux malheureux, pour de rire.
Son appartement ressemblait véritablement à un bunker en désordre absolu, qui montre au moins qu'il en a fait un abri anti-tout. Et j'appris plus tard qu'il fut agressé jusqu'à l'horreur par des sectes et bien sûr la scientologie pour qui il était jugé "suppressif", un de leurs mots baveux. Que faire sinon supprimer les suppressifs justement, puisque c'est prévu d'une manière comme d'une autre dans leur code d'horreur. La Dianétique, leur Mein Kampf. Une pâle histoire de science-fiction inventée par Ron Hubbard pour des gens enracinés principalement dans les terres de l'argent. C'est leur signe de croix. Ils vont jusqu'à l'abomination sans être puni ou rarement. Pas là.
La maison d'Yves, un lieu que j'ai aimé de suite. Il m'emportera au fond comme on est sur une île qui vous appartient en propre et où personne ne viendra à l'improviste. Comme on va déballer un autre cadeau plus confus. Comme on retrouve un doudou intact. Une grotte, un abri sans doute. Un Éden en bazar.
Il donnait avant que je ne le rencontre, un cours sur le sujet des sectes et pendant de nombreuses années. Alors ces gens de chez Moon et autres inventions morbides de l'époque, s'invitaient à son séminaire pour en faire le rapport.
Il était encore comme figé, gelé dans un souvenir atroce et merveilleux à la fois, presque entièrement cassé par le départ de sa femme, tête pensante de la secte avec son complice le pape Jean. Embobinant ses propres enfants. Livrant ses filles, brutalisant le fils, les enfants de Yves Lecerf. Rien que ça.. Quelle vendetta en elle ?

[Dans les contes de Grimm, très souvent, la marâtre n'est pas forcément la belle-mère comme on le pense, mais plus souvent la mère, la biologique. On trouve de ces marâtres-mères et elles veulent, elles décident d'envoyer leurs enfants dans le bois comme dans Hansel et Gretel. C'est elles qui en ont l'idée et pas la pauvreté seule. Le meilleur exemple étant l'histoire de la femme du Pécheur, qui n'a même pas d'enfant d'ailleurs, et qui dit clairement celle-là que ça n'est pas son affaire. Elle veut grimper. Châtelaine, reine et bientôt papesse. Et après ? A vos manuels des frères Grimm, elle y est La femme du Pécheur. Elle existe et c'est une torture pour chaque enfant de telles femmes quand elles en ont. Elles torturent leurs mômes ces Muttis là, en jouissent. Après, se voulant à l'égale de Dieu et le remplacer aussi facilement que de devenir la reine du monde. La fin mirifique de cette femme du pécheur, on l'espère. Elle se retrouve dans sa cabane, comme au début... Une cabane en bois, bois de sapin dans lequel se retrouvent à la fin même les plus riches, même les plus importantes, les plus ambitieuses.]

Dans un cauchemar récurrent, la femme d'Yves Lecerf entraîne tout avec elle. Sorte de Médée. Comme on retire l'amour, comme on veut casser du père, pour se perdre éternellement dans une invention hideuse, sur le dos d'un mec pauvre, Jésus, celui qui se baladait en sandalettes comme ils l'oublient toujours. Civitas ou les frères Melchior. Ce Yeshoua, c'est son prénom pas trafiqué, et qu'ils ont empaillé dans un de leurs châteaux. Eux contre lesquels Yves Lecerf qu'ils crucifient et se battra en vain.
Devinez pourquoi ? Pourquoi les attentats ? Pourquoi oui la Loi de 1905 et pourquoi non la Loi de 1905 ?
Liberté de culte ?! Dans les années 70, n'importe quel débile invente des trucs comme des draps ensanglantés qui sortent de la machine à laver – Houdini lui-même n'y avait pas pensé – et c'est la liberté d'inventer du vaudou sur fond d'orgies sexuelles. Liberté de cultes vous dis-je.
Et heureusement l'un des premiers contrats des anonymous concerne la Scientologie et ne lâchent pas ? Interrogez-vous, même aujourd'hui.
De fausses croyances criminelles circulent et elles en ont le droit. C'est dans les années 1990 que les choses ont commencées à changer en France au moins et avec le Rapport Vivien qui expliquait les sectes et leurs pièges. Donnant des moyens pour empêcher certaines dérives constatées. Dans d'autres pays d'Europe ils peuvent être encore laxistes, en fête regrettable d'un communautarisme qui exclut toutes et tous, et respectant le mot Eglise même sur fond d'hérésie comme en Espagne. Cependant que la flotte de la Sea Org, celle du créateur de la scientologie, devient une autre nécessité : échapper au fisc et aux moeurs sûrement, puisque malgré tout un certain nombre de pays essayent de la démasquer cette secte, comme une tentacule plus dangereuse et à tous les étages. Aux États-Unis ou en Espagne, elle est considérée comme une religion légale. On joue perdant. Mais des gens se battent qui pour certains ont vécus, y sont même nés dans la secte pour beaucoup. Basculer puisqu'ils sont trompés depuis le début. Des enfants deviennent suppressifs pour leurs parents. Ou l'inverse.
Voler, violer, briser, sur fond de signes de croix, de coeurs sanglants et d'annonces. Tordre le Texte de référence bien autrement jusqu'au pire, renversement de valeurs comme au marché de certains satanistes. Tous ces livres qu'ils se refusent à lire, Ancien, Nouveau ou Dernier Testament.
Quand Ron Hubbard invente le texte fondateur, La Dianétique, c'est encore le mieux. Rien pour vous contrarier. Un blouguiboulga de meneurs inventifs. Ou les inepties de Claude Vorilhon devenu Raël, passeur de relations inter-galactiques et attendant auprès des anges, c'est à dire de femmes élues qui les servent forcément.
Femmes qui servent autant au pape Jean de la secte des Trois Saint-Coeur, celle de la femme d'Yves Lecerf qui concerne mon ami. Trois frères en rois de l’esbroufe, des chimistes avides et des magiciens du chantage qui remportent toutes les mises. Le chef a de l'ascendant pour le moins et comme d'habitude. Le paradis des Vierges sur terre n'appartient pas aux seuls Musulmans. Pas moins pas plus que Daech. Pas autrement.
Pas contre cette loi de 1905 soit, mais elle a les moyens d'obliger à respecter des monstres comme on le voit aujourd'hui, quand Yves Lecerf était martyrisé hier, sans qu'on le veuille le savoir, sans qu'on l'écoute (Les marchands de Dieu. Analyse socio-politique de l'affaire Melchior (Trois Saints Coeur) Ed. Complexe 1975).
Alors oui on a pris cependant depuis quelques mesures à propos de ces sectes. C'est heureux et sera un soulagement notable, pour Yves aussi au-delà. Même certains scientologues sont tombés depuis, ont pour certains remboursés leur dette.
Yves Lecerf n'a pas cessé d'imaginer les moyens d'y échapper au sectarisme, pas lui seul. Il agaçait son monde à demander à chaque étudiant qui rendrait un travail, Master 1 ou 2, un lexique. Sans bien l'expliquer d'ailleurs. C'était la preuve à l'oeuvre que ce lexique ne serait jamais le même pour tous, que nous le façonnions chacun. Pas un mot dont nous n'ayons pas une définition propre qui restera nuancée. Heureusement. Pas un dictionnaire qui eut raison définitivement. La nique aux immortels. Un préalable qui se prouvait à chaque fois que nous acceptions d'y avoir affaire, car on est tous à si facilement oublier que personne n'a raison.
Un bel exemple que j'ai vécu, c'est dans un HP où je me baguenaudais encore une fois, nous patients avons joué au jeu de donner la définition d'une mot, s'imaginer en dictionnaire. Je jouais le jeu jusqu'à presque en donner la phonétique. Pendant qu'une autre fille hospitalisée fit un coq à l'âne qui la conduisit à nous parler de son anorexie. Définition large d'un mot qui n'avait pas pour nous ce rapport là. On peut faire de grands écarts avec certains mots.
Et je n'ai compris cette question qu'en travaillant à mon mémoire. Je l'ai fait ce lexique et je l'ai compris comme une idée passionnante.
Perdant ou gagnant, Yves ne reverra jamais plus ses filles. La douloureuse payée cash avec des arriérés.
La scientologie, cet autre monstre sans tête ou cette hydre déterminée, le vit en ennemi aussi décidé et n'avait rien à perdre puisqu'il était au désert. Ses membres déposaient des lettres d'insultes le concernant dans les boîtes au lettres de tous ses voisins, et autres intimidations si violentes contre lesquelles on ne pouvait pas grand chose. Il n'osait pas tout raconter et j'avais peur de certaines questions que je ne posais pas. Au début j'étais effrayée quand j'arrivais chez lui à l'idée d'y croiser l'un ou l'autre de ces Adeptes.
Ils finirent par laisser tomber, laissant cet homme effrayé, abîmé, désolé.
Il travaille alors après assez logiquement sur la rumeur et combien il est impossible de s'en prémunir. Désamorcer une rumeur est aussi définitif, précis que de déminer. Le coeur battant qu'on essaye de dominer et jusqu'à croire pouvoir se dominer. Tomber de détresse.
Il avait ajouté dans son appartement, des portes aux portes, comme s'il avait eu besoin de plus de protection encore que sa porte blindée. Comme s'ils l'avaient harcelés jusqu'à son palier, sa seule sortie de secours. Jamais tranquille. Il dormait mal et semblait souffrir quand il y parvenait. En proie aux cauchemars comme on n'est jamais tranquille. Le repos il avait oublié ce que c'était. Au moins absent un moment, pas seul, alors que tout vit autour de lui, garé à Sèvres-Babylone ou ailleurs.
On ne s'est pas apitoyés pour autant, parfois pour de rire puisque c'était de toute manière toujours trop. Le procès de 1975 et d'autres avant et après, étaient partout dans la maison. C'est eux qui faisaient peur et à Yves aussi. Des dossiers et des dossiers dans toutes les pièces, des bibliothèques de témoignages, faux pour certains et atroces, jusque dans les couloirs, jusqu'à l'obsession, la hantise. C'était oppressant, insupportable.
Un jour, Yves en voyage aux États-Unis me laisse son appartement. Je le connaissais depuis seulement quelques mois.
J'aurais pu croire que cet endroit me ferait peur, et c'était bien le cas par moment et en son absence. Mais pas principalement. Sinon je ne serais pas restée. Je me demandais pourtant au début dans quelle galère j'étais embarquée. Est-ce que je passerai mon temps à le regarder souffrir, ne pipant mots ? Il y avait cependant des traces encore, des empreintes partout qui disaient déjà l'avenir, et sans que je l'entende encore étant devenue le dernier cri de l'écho. Mais il y aurait aussi la paix et un profond sentiment de sécurité qu'éveilla cet homme-là en moi. J'ignorais quel sens j'avais pour lui.
A force de fabriquer des histoires, elles existent, mais sont-elles des preuves ?
Alors chez lui j'ouvre les boites d'archives, pleine de la fascination que tout cela exerce sur moi. Sur tous d'ailleurs, mais comme un lâche abandon généralisé. C'était trop messieurs mesdames ?
J'ai bien compris à une époque que j'étais regardée bizarrement. Était-ce parce que j'étais là, à ses côtés ? Et combien s'y étaient essayé(e)s avant moi. Les filles d'ethnologie m'interrogeaient comme si je possédais un secret. Je n'avais pas les mots ou peur de trahir quelque chose que je ne comprenais pas encore très bien moi-même. Alors je bredouillais comme quand c'est le cas. Leur intérêt pour moi concernait Yves surtout. J'avais passé le gué on aurait dit, mais lequel ?
« Je vous ai toujours sentie bien malgré moi comme une rivale... » me dit la dernière amoureuse de la vie d'Yves Lecerf. Pas moi. On ne jouait pas dans la même cour, alors rivalité. C'est ce que j'ai répondu. Je n'ai d'ailleurs compris que très tard qu'ils étaient ensemble, qu'elle attendait dans la voiture quand il me visitait chaque jour presque à la Salpêtrière en 1992, là où j'étais hospitalisée en toute folie. Quand j'étais méchante avec lui parfois. Et le regrettais.
La seule rivale pour moi étant Isabelle, cette femme de mon ami, entêtante ou hantise.
Me retrouver seule dans cet appartement de Saint-Cloud où il vivait, c'était comme croire un temps être chez Barbe-Bleue. Alors qu'il s'agissait du Marsupilami le plus désolé, au désespoir si intense d'absolu. A l'agonie, comme quand on a le coeur aussi gros. Alors qu'il s'agissait de l'inverse. C'est Barbe-Bleue qui lui avait tout pris.
Il était encore au dedans du Procès en permanence et toutes ces saloperies qu'il y avait entendues alors et entendait encore, le laissant plus perdant, plus humilié.
L'incompréhension c'était ce qui dominait. Presque dix ans plus tard, à la fin, il descendra ces archives dans la cave et je l'y aiderai. Son fils aussi.
Il me racontait combien cette année là 1986 était particulière : perdre sa mère (et quel amour l'animait quand il parlait d'elle), retrouver son fils (heureux, dérouté, effrayé aussi), faire le premier congrès sur l'ethnométhodologie (sa marotte, son espoir). Et me rencontrer, comme une autre coïncidence.

Il travaillait sur la vérité, et s'en chasser comme on quitte un Eden morbide, en ausculter les recoins obscurs pour prouver que finalement elle n'existe pas ou seulement provisoirement, seulement entachée par tous nos liens.
Elle l'avait rattrapée, comme on découvre un jeu de mort. Les 64 hexagrammes maudits pour toujours. Un jeu de dupe pour moi et fallait-il le démontrer ?
Après avoir construit des modèles d'adeptes de sectes dans son laboratoire, il voulait trouver la parade, passer à l'offensive encore autrement que de montrer des marionnettes qui parleraient à des marionnettes.
Trouver le moyen de déjouer le piège de la raison, de la science et des raisonnements spécieux qui laissaient eux aussi entrer des monstres en nous. Ne plus se laisser éblouir par celui qui prétendrait la détenir, la vérité. Et en user, en abuser forcément. Tordre la réalité que nous inventons tous, chacun, sans que l'un ou l'autre aient jamais forcément raison. Et comment ça marchait partout de croire qu'on a même mathématiquement raison. Contrarier l'objectivité qu'ils ont à la bouche.
Alors il donnait évidement définitivement tort à l'intelligence artificielle – après en avoir été un des chefs, de ses balbutiements européens, à Rome, et autour du thème de la traduction automatique des langues – un autre de ses gros soucis.
Cette défense qu'il décidait de jouer était elle aussi liée encore à l'enlèvement, à la secte et comment ne pas se laisser piéger dans cet absolu du vil.
« Et te rencontrer... » Il m'était pourtant impossible d'y croire. Mai contenta ! Alors mes questions, d'où l'idée fixe, de savoir si cette vraie histoire que nous vivions n'avait été que ma seule construction. M'accaparant l'amour si effrayée de ne jamais y croire tout à fait, pour ce qui concerne l'autre en face.
Parfois dans les cafés ou les restaurants, il s'allongeait sur la banquette, se tenait finalement fort mal et je restais perdue d'interrogations. Un autre signe pourtant seulement de son épuisement. Et bien sûr de son indifférence à la bienséance qui lui avait jouée tant de mauvais tours.
Je crois que finalement aussi il s'est redressé, sans pouvoir échapper à la peur. Je m'interrogerai constamment sur le fait que je ne saurai jamais comment était Yves Lecerf avant sa brûlure, avant l'effondrement.
« Dis donc avec M. la transmission de pensée marche plutôt bien... (J'invente un peu pour le faire maronner)
- Quoi ?! Quoi !? Et moi... »
Il tire les dés faussement nerveux, sa manière de jeter les pièces ou les baguettes du Yi-King. « Non, décidément... » Il essaye encore. Non, décidément non. Qu'est-ce qu'il espérait ? Me parler depuis sa mort éternelle ? Qu'il n'y compte pas. Aucun. Aucun d'entre eux, ni revenu d'aucune manière et pas faute de l'avoir imaginé. Personne ne revient de là et aucun signe de nous frappera jamais.
C'est nous qui fabriquons l'éternité, mais pas celle imaginée par Bill Gates, Mark Zuckerberg et consorts. Les plateaux de oui-ja peuvent déborder d'esprits frappeurs, c'est rien que des inventions souvent imbéciles pour passer le temps.
C'est ce que certains cherchent à dire encore quand ils pensent qu'il vaut mieux voir les gens morts pour de vrai. Ça aiderait soi-disant... Mais cette véritable face bistre, ce truc qu'on ne pourra jamais bien maquiller puisque ça n'aura plus jamais de mouvement, et n'est pas du tout étonnant. Pas éclairant c'est sûr. C'est bien comme ça que je les avais déjà vus dans ma tête, gris et morts. Sans vie et c'est terrible. Un moment oui, un instant non. A la seconde près.
La mort inscrite m'est insupportable, ne me dit rien. Je le sais puisqu'il n'est pas le premier, pas en tête de liste de cet affrontement-là. On n'est pas tous à la fréquenter autant. Mon insouciance – sinon mon rire – s'est dissoute il y a bien longtemps. On a plus de devoir quand la mort vous a frappé ainsi, même si sa cruauté reste incommunicable. Même si on se croit chargé de prévenir l'imprévisible et l'innommable.
Il comptait sur quoi ? M'envoyer des flashs ? Il savait pourtant bien qu'il ne fallait pas y compter. Je le vois. Ça bat et ça s'arrête. Ça bat et ça s'arrête. Ça s'arrête. Ça s'arrête.
Et on va croire échapper à la mort en silences morbides la concernant ? Quand on écrit au travers, à l'aide d'un filtre qui s'appellerait le style, on avance aussi dénudé, autant. Ce qui continuera forcément à vous étonner. Et vous n'y pourrez rien.
« Il est parti.. ». Non, il est mort.
Mais oui je t'entendrais et continue de répondre. Elle marche la transmission.
Elle vient la musique. A Yves quand dans les derniers temps je la lui fais réécouter, celle qu'il a bannie. Son monstre en écoutait. Le diable a tout pris. J'y reviens de mon côté. Et quand la musique est trop forte, je m'échappe, ange et bête.
Il m'a donné un signal de vie. Pas moins. J'y pense à égalité de cet homme-là avec mon père, comme je sais le faire. Aussi sincèrement et bien plus ancré dans la vie par certains aspects. Peut-être celle d'une parole qui compte autant pour moi. Et mieux forcément parfois que le paternel sous certains rapports, puisqu'il est là lui aussi, que je l'ai questionné même silencieusement. A Yves je lui ai parlé pour de vrai. J'ai vraiment besoin de le redire pour que vous en compreniez le fin mot, puisque j'ai beaucoup discuté avec Yves Lecerf, même s'il était très pris. Épris de guerres aussi.
Et il m'a parlé à son tour.
Il y a tant d'événements depuis que j'aurais aimé partager avec lui. Souvent j'adresse des moments de l'actualité à ceux, de mes morts, qui se sentaient concernés par ci ou ça. J'en discute encore volontiers avec eux, et me heurte au final à mon soliloque.
Seule sur mon île – et il ne s'agit pas d'une métaphore – je regarde et me sens impressionnée au-delà par ces 360° impossibles et qui font comme on est lové. Au dedans, au dehors.

Poésie Vaincra ! Et vaincra contre tout les crimes et c'est ta vérité.
C'est ce que je souhaite te dire principalement. Tu en es le père.
Mon père d'arme.



vendredi 19 janvier 2018

LE MACHINISTE CONTRE L'I.A., TOUT CONTRE

J'y pense. C'est peut-être le principal de ce que Yves Lecerf m'a appris ou confié et concerne les machines, c'est à dire tout ce que vous connectez à présent. Je préfère d'ailleurs continuer de les appeler machines plutôt que téléphones intelligents par exemple.
Yves Lecerf était un des chefs de l'informatique en France autour des années 60. Dans ces années il fut désigné pour travailler à la traduction automatique des langues. Et ça fait sourire quand "intelligence artificielle" surgit en ce moment, alors que c'est presque vieux comme le monde et bien du siècle d'avant - c'est un sujet récurrent quand plus personne ne sait rien dire d'autre, un vieux sujet de conversation. Dans le temps on parlait des robots. Là ça devient tout soudain un leit-motiv puisque ça date. Je ne suis pas bien sûre de comprendre. Avec ceux qui y croient ou s'y croient, à leurs rêves de Frankenstein et la vieille soif aussi de vie éternelle. A chaque nouvel outil son nouveau Graal, une vieille quête.

Yves Lecerf a renoncé à ce travail entre autre dont il était l'un des principaux responsable, et de ce dont je me souviens, c'est parce que ça n'avait pas de sens, c'était impossible. Jusqu'à présent il a raison ou lisez les traductions de google et il n'y a pas mieux.
Quand au final il a travaillé tout particulièrement sur l'ethnométhodologie, à la fin des années 80, c'est parce que ce domaine de la science, cette anthropologie du proche, supposait que nous ayons tous la geste de tribus et illustrait, confirmait, ce qu'il pensait d'impossible en quelque sorte certifié, dans cette affaire d'intelligence artificielle. Un vieux sujet et dont il voulait exprimer quelques unes de ses vérités, mathématiques même depuis un amateur aussi passionné de science-fiction ou surtout. Il tenait à désigner la ou les sorties de secours. Sauvegarder et se barrer... parfois...
Bien sûr qu'il y a des gens qui pensent comme des machines. Mais l'inverse n'est pas vrai, je l'ai retenu. En ethnométhodologie on parle des allants-de-soi cette part de l'humain auquel on ne prête pas attention. Etre une femme par exemple (et Harold Garfinkel a constaté ces allants-de-soi que ne possédait pas, confronté aux interrogations d'une personne qui s'est faite opérer afin de devenir une femme. Il y a des us et coutumes dont on porte la langue comme à notre insu, et je ne veux pas heurter les féministes même en reconnaissant les diverses traductions que nous en donnons, dont la plupart des personnes n'ont plus conscience. Et si ça doit se traduire par une théorie du genre, pour entrer dans une neutralité étrange, confondante et idiote, je ne suis pas. Je ne suis pas en train d'imaginer du tout LA femme. Et puis je ne saurais pas vous faire un cours, je ne suis pas une experte et n'y tiens pas). C'est Garfinkel qui s'est intéressé de près aux savoirs dont nous n'avons pas conscience, mais qui tissent quelque chose qui nous rend unique bien qu'appartenant à diverses tribus. Yves s'amusait à parler au bout du compte "d'ethnie d'une seule personne".
Et ce qui est formidable c'est comme je l'ai entendu dans un doc récent sur le sujet que le problème du sens commun reste le même problème 40 ans plus tard.
Alors surtout, c'est essayer de montrer scientifiquement que personne n'aura raison ou jamais d'une manière automatique. On en a déjà vu les dégâts que l'on voit encore.
Avant de donner ce cours sur l'ethnométhodologie, il avait fondé un laboratoire des sectes. Et ils avaient créé un disciple-automate, ça fonctionnait bien. Aux Etats-Unis Garfinkel faisait une expérience assez semblable avec des psychologues-automate en quelque sorte puisqu'ils disaient aléatoirement oui ou non..

Quand je parle ou nous parlons de la singularité, pour moi ce n'est pas pour tout vouloir, tout ce que nous serions en droit d'avoir paraît-il. Avoir. Et quoi? Tout ce dont nous avons besoin ou tous les apparats de l'argent ? Avec la voiture, Volkswagen - création de l'ange de la mort Hitler, on l'oublierait? - dans une publicité actuelle la voiture-du-peuple mate même le mouton noir. C'est l'image rendue en mauvais signe.. Une voiture qui bat le rebelle?? C'est la loi du monde l'avoir et en finir l'esclave. C'est paradoxalement ce sentiment que j'ai que plus nous apprendrons, aurons conscience de notre singularité et de tous ses possibles, moins nous serions dans la rivalité et tout simplement dans cette guerre constante qui abîme tout le monde, même ceux qui voudraient bien qu'on leur foute la paix.
Etre différents c'est peut-être pouvoir alors vraiment se serrer les coudes. On a tous de l'importance puisque chacun ne ressemble à personne. Ça nous permettrait oui de souffler en matière de jalousie aussi. J'ai raconté à une amie l'exemple de Michel Cymes qui a décidé à cinquante ans de débuter en piano. Et ça l'a encouragée comme si elle n'avait pas pu le penser sinon pour elle-même.
Ce que je constate de toutes les sectes (toutes les églises y sont) sans exceptions, c'est que les adeptes heureux ou souffrants, ceux qui s'échappent de la scientologie ou virent dans n'importe quel radicalisme, c'est une histoire d'"élection" qui leur vient à un moment ou à un autre de ce chemin sectaire. Tous ils l'ont en bouche et bien sûr les revenant(e)s de l'Etat Islamique. Beaucoup marchent à ce piège. Leur vie dictée. Ils n'auront plus à l'inventer ce qui n'est pas toujours rassurant.
Cela me dérange. Cette histoire d'élection qui a fait le lit de tout les pires et des nazis et d'Adolf Hitler en particulier. Quand on veut tout rendre réel. Comme la violence des contes de Grimm que n'importe quel Allemand(Autrichien) connaît, a respiré dans son enfance. Une histoire d'ogre pour finir lui en Rienzi, héros d'un opéra de jeunesse de Wagner, avec au dedans une glauque histoire à moitié d'inceste. Et les autres humains à part son rôle sont des fantoches pour lui. Il s'y voit déjà. Ou se désignant franchement lui-même en Alberich, l'horrible nabot du Ring qui vend l'amour pour l'or. Parce qu'il n'est pas seulement moche dehors.
Il y a là-dedans, dans cette emprise dans laquelle certains tombent et flanchent, quelque chose d'un besoin aussi de devenir automate. Le gourou est toujours supposé réfléchir pour tous. Et devient vite une machine aussi ou l'a peut-être toujours été. Machine à sexe à fric ensemble pour beaucoup. Et Jésus lui-même n'a jamais demandé d'être obéissant. Cherchez dans votre Livre. Il n'était pas voyant quand il dit à Pierre qu'il le trahira, plutôt profileur. Si un Dieu suppose l'obéissance, je ne pourrai pas y croire. C'est la vie qui nous est donnée pas la reproduction du moyen-âge ou de Star Wars.
C'est d'exister qui est l'élection. Et il n'y aura pas de jaloux. et cette illusion des chaises musicales.

Monsieur Lecerf m'a caché l'internet. Je l'ai déduis. Une des dernières fois que je suis allée chez lui, il avait un super ordinateur avec la souris. "Là où il y a une souris il y a un piège". C'est tout. Jusque-là je ne me servais que des raccourcis du clavier que j'ai presque entièrement oubliés depuis.
C'est des hommes qu'il faut avoir peur, bien plus que des machines à l'évidence comme on voudrait nous enfumer.
Les machines piègeront les machines. Et ça n'est pas nouveau. Je simplifie sûrement.

lundi 1 février 2016

Apprendre...

Non, je n'ai pas été la petite fiancée cachée du Docteur Frankenstein. Juste pour dire. Préciser.
Un soir nous arrivions près du Quick des Champs-Elysées, je lui affirmais, cette évidence et loi en moi d'un ni Dieu ni Maître auquel je tenais sans effort. Fondamentalement. Dieu, c'était moins simple, je me disputais souvent avec Lui, au point de me demander s'il existait. Dans un Noé que j'ai commencé à écrire et dont seul le premier chapitre est abouti, Noah dit, quand ils regagnent la terre ferme, quand tout est fini, quand la terre est sèche, quand l'oiseau vole, annonciateur à son tour ; il dit en colère contre Dieu, de tout ça : "Je te prends! Et je te laisse!" Il le répète.
Mais maître non. C'est pas sérieux. J'étais impressionnée par le CV d'Yves, mais une fois cela admit, ce n'était pas tout de lui, et les interstices m'intéressaient.
Quand nous allions à la fac ensemble, le public était partagé entre ceux qui pensaient que j'étais sa meuf ou alors sa fille. Je me disais bien, timide autant, que je pouvais avoir l'air d'une souris hypnotisée par le gourou. Ceux qui nous connaissaient étaient peut-être plus étonnés. J'étais plus obéissante que docile et j'allais chercher les cafés. J'étais secrétaire même particulière non ?

Quand j'ai commencé ce blog, j'étais effrayée, vraiment apeurée à l'idée de dire quelque chose de faux ou en trop sur Yves Lecerf. De ne pas écrire un vrai Yves qui n'existe pas.
Il y avait aussi cette secte qui semblait sommeiller comme un dragon couvrant son or. Eux. La souffrance d'Yves.
Beaucoup m'ont reprochée à raison, toutes ces fautes, de syntaxe ou d'orthographe. Récemment j'ai tenté de corriger, de réécrire, cela après m'être dit que ce langage crypté (car c'est de cet ordre aussi) me servait en ce temps-là. Mais ça n'était pas respecter le Travailleur que de devenir illisible. Écrire, et sans fautes, c'est quelque chose qui a toujours vécu en moi. A l'école en dictée, je balançais plus souvent entre le 0 pointé et le 10 quand j'étais menacée. A n'y rien comprendre. Moi non plus. Mais j'avais une relation affective au travail scolaire, trop mue par mes affects qui bouleversent encore cette relation avec le savoir. Tout se brouille, je deviens idiote. Tout s'allume, la réponse fuse sans que je sache même d'où me vient ce savoir, de je ne sais où... Je n'ai pas de certitudes grammaticales et pour le reste...
Corriger les fautes, sans jamais pouvoir les réparer, avait quelqu'intérêt.

La femme qui a vécu une histoire d'amour avec Yves dans ses dernières années, me disait après sa mort, qu'elle ne pouvait s'empêcher de me voir en rivale. Je lui disais que nous n'étions pas à la même place (un peu comme si la rivalité mère/fille n'existait pas). Je n'étais pas (pour moi) l'Autre femme. Sa présence ne changeait rien à ma relation avec Yves Lecerf. Qui était son autre fille adoptive et l'avait décrété ainsi, un jour, une heure ? Quand Yves venait me rendre visite à l'hôpital, elle restait à l'attendre dans la voiture. Je l'ignorais.


J'ai surmonté beaucoup de choses grâce à lui, sans que jamais il ne me guide, trop. Il était surtout présent. Il me répétait que l'important était d'avoir le diplôme, avant même de rêver d'une bonne mention. J'avais pourtant peur. Comment faire quand de plus, on veut tout faire soi-même, qu'on refuse d'être aidée, qu'on en tire même de la gloriole, qu'on n'y peut rien. Il ne me conseillait pas, mais mettait à ma disposition le matériel pour travailler.
Je ne voulais pas me marier avec mon père,  ni même un mariage mystique l'ayant perdu trop tôt. Je ne voulais pas me marier avec Yves, qui avait l'âge d'être mon père, même en rêve. Je l'ai compris et il l'a compris. Cette différence d'âge était historique pour moi. Une génération c'est une histoire et d'autres traces. Je n'avais pas envie d'être adorée. Non, qu'il m'aime voilà l'important.
En perdant mon père j'ai perdu à jamais tout sentiment de sécurité. Celle qu'Yves Lecerf m'offrit me permis d'avancer, de travailler, de m'aider à chercher, ce qui m'est le plus cher au monde.

lundi 28 décembre 2015

LES ENFANTS

Yves Lecerf aimait à regarder Princesse Sarah un manga de la fin des années 80, auquel il s'identifiait, oui. C'était rigolo et pas tant que ça dans le fond. Une orpheline était la proie d'une méchanceté sans borne. Yves aussi plongé dans les malheurs de cette petite que le Dr House est passionné par les soaps sur l'hôpital...
Yves était proche de l'enfance, elle le touchait d'aussi près et il n'en revenait pas. Il lui en manquait des morceaux et il en était chagrin. Un grand enfant si on finissait par le connaître et l'écouter (je lui disais 9 ans à vu de nez). Et il aimait les enfants qui lui permettaient de faire exister cette enfance en lui. La sienne et celle des siens, ceux qui l'avaient été.



A l'époque aussi de notre rencontre, Yves en vint un jour à me parler de son "vrai-faux-fils", un petit garçon d'environ trois ans dont-il était supposé être le père. Il n'y croyait pas vraiment, mais s'attacha vite à l'enfant. Il aimait ce temps-là, ce monde-là, moins tricheur, mais jusqu'à quand ? Avec la mère du petit, une sorte de guerre était constante encore. Difficile pour Yves Lecerf de connaître une quelconque paix. La jeune femme lui demandait un test de paternité qu'il se refusait à faire. Une question de vrai-faux à laquelle il ne souhaitait pas forcément de réponse. Il avait envie d'être le père et il se savait bon père. Il voyait donc régulièrement son fils, quand il n'était pas trop en crise avec la mère.
Un jour, celle-ci décida de le lui confier pour une soirée, sans elle. Yves était inquiet et aussi de rester seul avec l'enfant. Il me demanda d'aller avec lui. Mais au vu des relations avec la jeune femme, je pensais que ce n'était pas forcément une bonne idée. Et que si elle l'apprenait, ce serait l'occasion de conflits inutiles. Je conseillais à Yves d'y aller avec Sydney, son autre fils. La soirée fût très agréable, mais la mère trouva le moyen de la gâcher plus tard en récriminations.
Pour mettre fin à cette guerre de tranchées permanente, je demandais à Yves pourquoi il ne ferait pas ce test de paternité. Je regrette à présent, parce que je crois tout de même que certains mensonges peuvent faire du bien et Yves le savait. Il n'était pas le père mais s'en foutait. La mère au vu des résultats, dingue encore et voulant ignorer que Yves avait déjà adopté l'enfant, déposa devant chez Yves tous les jouets qu'il avait offert à l'enfant qu'il ne revit plus. Une autre douleur.
Tant de malheurs autour de l'enfance qui lui était si nécessaire, ça pose question. Les mères peuvent-elles jouer autant avec cette enfance ? Torturer Yves devenait une habitude.

Il s'est soucié de moi comme un père. Un vrai seulement. Celui que je m'imaginais ne jamais revoir... Un père intello par défaut et j'y avais pensé. Après que je me soies tue, je babillais ensuite avec lui dans le bonheur d'une certaine enfance dont nous avions été floués. Nos inquiétudes, nos passions, l'astrologie, la Comtesse de Ségur, la connaissance, la rigolade et la tendresse. Bien évidemment je n'étais pas sûre des sentiments que je lui supposais avoir. Il me donna pourtant tellement de preuves. Quand je me mis à reparler nous avons même appris à être heureux, parfois. C'était plus facile entre nous à cause de ces deux douleurs qui nous occupaient tant. Cette tristesse gaie dont nous étions faits à partager. Du bonheur, oui je crois que nous en avons parfois connu.
J'ai toujours été fière de mon père, même doutant pourtant de lui, en en sachant si peu de sa vie. Yves Lecerf n'allait pas le remplacer. Il n'y avait pas erreur sur la personne. A un certain moment de notre relation, je l'ai adopté et lui ai demandé de le faire. Le reste de notre histoire prouva qu'il avait pris cette demande au sérieux.
Quand je tombais malade en 89, il se préoccupa de moi magnifiquement, je dois dire. Et aux autres hospitalisations aussi. Il appelait ma famille régulièrement, qui elle aussi l'avait adopté. Me visitant chaque jour, à supporter ma violence parfois. Il y avait quelque chose aussi de familial dans ces colères qui me prenaient alors, comme avec quelqu'un avec qui on ne sera jamais séparé.
Un dimanche à Perray-Vaucluse, en 1991, j'allais manger au restaurant avec un de mes frères et ma mère. Ma souffrance absolue était d'être clouée à cet hôpital. Une telle douleur enfermée et là ! Nous étions sortis de l'enceinte et je leurs en voulais de me ramener à mon malheur. Ils allaient repartir, eux. Je descendais de la voiture, Yves était là. J'abrégeais les au-revoir et m'asseyait sur l'herbe avec mon pote. Il m'avait apporté des livres de Isidore Isou, une sorte de fada de circonstance jugeait-il. Et il me murmurait : "Il ne faut pas que je parle trop fort, sinon ils vont aussi m'enfermer..." Et ce n'était pas le plus improbable, c'est pourquoi c'était vraiment drôle. Il prenait ce jour-là le relai de ma famille. C'était comme ça justement.
J'étais découverte folle, il continua à ne pas le penser, me laissant libre d'être la même. Il cherchait des réponses improbables. Peut-être avais-je mangé sans le savoir de l'ergot de seigle ?(!) Quand en 92 je passais avec succès mon diplôme ayant décrit la vie, l'horreur moyenâgeuse de l'hôpital Perray-Vaucluse où je séjournais un mois et demi. Ensuite, il se baladait de classe en classe pour parler de mon travail. "Mais comment peut-elle écrire ça puisqu'elle est folle ?" C'était la question récurrente.
En 95 à l'annonce de sa mort, je me fis hospitaliser à la Salpêtrière. Dès le lendemain je souhaitais en repartir. Il ne reviendrait pas. C'est tout. 

L'ami

Une amitié sans faille.
Beaucoup de gens aimaient Yves. C'était un bon camarade, a good fellow.
Une fois par mois à peu près, il se rendait le samedi chez Robert Jaulin, quand celui-ci habitait encore Montmartre. Ils étaient tous deux mathématiciens et issus de grandes familles. Croire qu'Yves pourrait avoir envie de déboulonner Jaulin, était seulement impensable et bête et prendre ses désir... Il était redevable. Ils discutaient, c'était là l'important pour eux. Pas sûre que Jaulin se ralliait inconditionnellement à l'ethnométhodologie, mais ils en parlaient. Et grâce à Yves Lecerf, tout de même, le diplôme était reconduit. Sous la tutelle d'Yves ? Si sa seule requête était que les étudiants purement ethnologues fassent un lexique, et c'était une vraie lutte pour ne pas y arriver, l'ingérence était mince.



Il était ami de longue date avec Thierry Baffoy qui avait d'abord été celui de Didier Lecerf, le frère d'Yves qui avait aussi participé à la rédaction des Marchands de Dieu. Et ils s'étaient retrouvés dans la lutte contre les sectes. Il fût l'un de ceux qui décidèrent que la messe d'enterrement de Yves aurait lieu dans cette chapelle près de Montparnasse, chapelle catholique. Peut-être était-ce le souhait de Yves ? Je n'en sais rien et cela m'étonnait.

Georges Lapassade était également un proche. Mais dans ces relations où se mêlait pourtant principalement leur carrière universitaires, les relations n'étaient pas toujours si simples et bardées de rivalités tout de même. Yves aussi voulait être en haut, maintenir sa place. Il était ambitieux mais le plus souvent honnête. Avec certains profs d'ethno donc, c'était cependant une lutte à mort. Ils étaient ses ennemis à faire croire qu'on allait leur voler leur liberté. Ils présentèrent un ou des projets pour l'UFR qui furent tous refusés. Ceux d'Yves non. Et je voyais bien, en bossant avec lui, qu'il était une bête administrative qui avait été autre chose qu'un professeur, mais plutôt un fonctionnaire de plus haut vol. Il savait qu'ailleurs il aurait pu gagner dix fois plus d'argent. Mais le combat contre la secte l'avait laissé exsangue.

Il y avait aussi Edouard Parker, vieille connaissance avec qui il travaillait à certaines périodes, faisant de la prévision. Pour l'avoir aidé à prendre en dictée, il y travaillait la nuit quand toute la maison de son ami dormait. Ils écrivirent deux livres ensembles Les dictatures d'intelligentsias et L'affaire Tchernobyl. Parker était très à droite et Yves pas si loin et pro-nucléaire à tout crin. Comme le disait Yves le nucléaire français était en quelque sorte son bébé. Il en avait fait les premiers calculs informatiques. Ils défendirent l'indéfendable, en niant toutes les accusations contre le nucléaire. Pour eux aussi le nuage était resté à la frontière ou n'était pas aussi dangereux qu'on le disait. Yves se rendit à Tchernobyl et y prit un cailloux que j'envoyais à examiner. Irradiée ? Ils voulaient prouver que le danger était moindre, pas seuls à tenir ce raisonnement en France. La réalité de Tchernobyl on la verrait plus tard, et combien ils s'étaient trompés. Pas sur tout. Pour l'un ou l'autre livre, ils furent invités à une émission de débat très regardée. Edouard Parker pétât un plomb en direct, un délire droitier qui sidéra tout le monde. Il ne faisait que dire ce qu'il pensait et ça ça m'étonnait moins. Et Yves ne parla pas sur ce plateau, tout le monde étant à son tour sidéré par ce discours, gêné. Je n'avais jamais aimé Edouard Parker. Yves se demanda si il devait continuer de travailler avec son ami. Ils se séparèrent, mais ce ne fût pas simple. Et Yves se trouva bientôt à cours d'argent, car ce travail avec Parker était très bien rémunéré.


Une vraie amitié se noua comme je l'ai écrit ailleurs, avec Harold Garfinkel. Yves défendant l'ethnométhodologie, une belle relation s'entamait depuis sa première visite en Californie. Pas disciple, reconnaissant pourtant, et chercheur principalement.

Non, Yves n'était pas seul, appuyé cependant à une solitude qui le blessait constamment. Il m'expliquait que c'était difficile l'amitié, que la plupart de ses amis étaient aussi ses collègues. Alors c'était plus compliqué qu'un simple mot. Et c'était malgré tout seul qu'il avait du affronter les sectes, celle des Trois saints cœurs, mais sinon la scientologie qui mettait entre autre des lettres d'insultes dans les boîtes à lettres des voisins d'Yves. Malmené et abandonné des siens, il éprouvera des difficultés à faire simplement confiance.

lundi 26 octobre 2015

L'HORREUR DES SECTES

Mon intérêt personnel pour les sectes depuis fort longtemps joua son rôle dans mon désir de comprendre cet homme, de le rencontrer. De la curiosité d'abord. Jamais je n'aurais imaginé que cela me bouleverserait autant. 
Dans les années 70 il en était question tout particulièrement, elles grouillaient.
Je me souviens de notre rigolade quand nous lisions des messages du fondateur des Enfants de Dieu, du genre "Vas-y maman jette ton soutien-gorge !". Ça ne s'invente pas...
J'étais intéressée, fascinée en quelque sorte et j'aurais aimé peut-être faire partie de l'une d'entre elles. Faire partie d'un groupe ne m'était pas étranger. 
Mais je lisais bien sûr et comme d'habitude, les mauvais livres comme celui d'Alain Woodrow Les nouvelles sectes paru en 1977, et parlait d'ailleurs de la Secte des Trois Saints Cœurs. 
Après ces lectures, je ne comprenais pas comment les gens pouvaient tomber dans ces panneaux. C'est d'une complexité qui m'échappe encore. Le pouvoir d'un homme, celui du gourou c'est ce qui marque toutes les sectes. Ils étaient tous plus dingues les uns que les autres. La secte qui avait engloutie la femme d'Yves Lecerf et leurs enfants qu'elle avait entraînés, n'y échappait pas.
Est-ce que la femme d'Yves Lecerf croyait véritablement ce que Robert Melchior disait ? Croyait-elle aux messages de dieu qu'il recevait ? De quel nature était le lavage de cerveau ? Et quelle place occupait l'amour dans tout ça ?
Un jour que j'étudiais le thème d'Adolf Hitler, Yves me dit que c'était l'amour aussi qui semblait dominer. 

Dans Les Marchands de Dieu Yves et de grands noms comme Michel de Certeau s'interrogèrent ensemble. On comprend qu'il ai eu besoin d'être épaulé. Et il le fut, sans gagner pour autant. Affronter seul un tel délire peut rendre fou, pas moins.
J'ai connu son fils qui s'était échappé de la secte quand j'ai rencontré Yves. Un garçon dévasté, perdu, terrorisé au visage défait et qui lui raconta des faits terribles. Après avoir lu son livre, je n'étais pas sûre d'avoir envie d'en savoir plus et j'essayais seulement d'aider comme je le pouvais.
Comment la fille d'un haut dignitaire du protestantisme avait-elle pu se laisser entraîner, subjuguer ? Elle était tombée amoureuse, sans doute, pas autre chose. Trop loin finalement, et les procès sont marquants, terribles, sans possibilité, il me semble, de revenir en arrière. 
Aimer le pape Jean... Roger Melchior qui savait faire apparaître du sang sur des draps sortant d'une machine à laver. On peut sourire, c'est pourtant extrêmement triste. Quelle forme de séduction exerçait-il pour qu'on gobe des trucs plus délirants les uns que les autres et qui ne servaient que lui ? Inventer une polygamie dictée par dieu en personne, et on ne contrarie pas dieu. Vouloir coucher avec tout le monde et imaginer la naissance d'un monstre avec je ne sais qui, une Marie quelconque, un projet de dieu. Et se faire plein d'argent avec son assentiment. Ysé était habituée au luxe. Elle le resta.
Je viens de lire sur internet que Barbara Lecerf est morte en 2011 à 51 ans... de quoi ? Cendrine est à la tête de l'entreprise Pianto qui soigne tout et n'importe quoi. L'argent quel place a-t-il dans toutes ces histoires ? La première, c'est sur et dévastatrice.